dimanche 6 septembre 2020

DUSSEK (Jan Ladislav)

DUSSEK (Jan Ladislav)

( le 9 février 1761 - le 20 mars 1812)


DUSSEK (Jean-Louis ou Ladislas), fils du précédent (= Jean-Joseph Dussek), artiste illustre comme virtuose sur le piano et comme compositeur, est né à Czaslau, en Bohême, le 9 février 1761. A l'âge de cinq ans il jouait déjà du piano, et, suivant le témoignage de son père, il accompagnait sur l'orgue dans sa neuvième année.  Il fut ensuite envoyé comme sopraniste au couvent d'Iglau, où il continua d'étudier la musique sous la direction du P. Ladislas Spenar, maître du chœur de l'église des Minorites. Dussek étudia les langues anciennes au collège des Jésuites, et alla achever ses études à Kuttenberg, où il avait été appelé comme organiste.  Après avoir passé deux années et demie en ce lieu, il alla suivre un cours de philosophie à Prague, et ses progrès furent tels, qu'il put soutenir avec honneur sa thèse de bachelier en cette science. Ce fut alors que le comte de Mænner, capitaine impérial d'artillerie, et protecteur de Dussek, l'emmena avec lui en Belgique et le fit entrer comme organiste à l'église Saint-Rombaut de Malines.  Après avoir passé quelque temps dans cette situation, Dussek alla à Bergop-Zoom, où il remplit aussi les fonctions d'organiste, et se rendit ensuite à Amsterdam.  


Arrivé dans cette ville, il y fit admirer son habileté sur le piano.  Sa renommée le lit bientôt appeler à La Haye par le Stathouder, et il passa près d'un an dans cette résidence, pour y donner des leçons de piano aux enfants du prince.  Ce fut là qu'il publia ses trois premiers ouvrages, qui consistaient en Trois concerts pour le piano, deux violons, alto et basse, œuvres 1; six sonates pour piano et violon, œuvre 2; et six autres sonates du même genre, œuv.3. Ces productions sont comptées parmi ses meilleures. 


En 1783 Dussek avait atteint sa vingt-deuxième année, et déjà son taIent excitait la plus vive admiration; cependant il était encore en doute sur lui-même, et ce doute lui fit prendre la résolution de se rendre à Hambourg pour consulter Charles-Philippe-Emmanuel Bach. Il en reçut d'utile conseils et des éloges. L'année suivante, le jeune virtuose était à Berlin, où des applaudissements lui étaient prodigués pour son habileté sur le piano et sur l'harmonica

à clavier, instrument nouvellement inventé par Hessel.  De Berlin, Dussek alla à Pétersbourg, où il avait le dessein de résider quelque temps; mais le prince Charles de Radziwill lui proposa un engagement si avantageux, qu'il crut devoir l'accepter, et il demeura deux ans avec ce seigneur dans le fond de la Lithuanie.  Vers la fin de 1786, il vint à Paris, y joua devant la reine (Marie-Antoinette), et reçut de la part de cette princesse des offres avantageuses, qui ne purent le décider à se fixer en France, parcequ'il avait le désir de visiter son frère en Italie.  


Arrivé à Milan, il y donna des concerts, où il se fit entendre sur le piano et sur l'harmonica, et son talent produisit une vive sensation, bien que les Italiens fussent peu sensibles aux beautés de la musique instrumentale, surtout à cette époque.  De retour à Paris, en 1788, il y resta peu de temps les premiers troubles de la révolution française le décidèrent à passer en Angleterre; il s'y maria en 1792, et se fixa à Londres, où il établit un commerce de musique.  Dussek, enthousiaste de son art et aimant le plaisir, était peu propre à diriger des spéculations commerciales : de là vint que son établissement ne prospéra point.  Poursuivi

par ses créanciers, ce grand artiste fut obligé de quitter l’Angleterre et de se réfugier à Hambourg, en 1800. Là, une princesse du Nord se passionna pour lui l'enleva et vécut avec lui dans une retraite située vers la frontière de Danemark. Cette liaison dura près de deux ans. En 1802, Dussek fit un voyage en Bohême pour y revoir son père, dont il était séparé depuis vingt-cinq ans.  


A son retour, il passa par Magdebourg, fut présenté à l'infortuné prince Louis-Ferdinand de

Prusse, et s'attacha à sa personne. Ce prince ayant perdu la vie au combat de Saalfeld, en 1806, Dussek passa d'abord au service du prince d'Ysenbourg, puis, en 1808, il se rendit à Paris et prit un engagement avec le prince de Talleyrand, dont il devint le maître de concerts. Fatigué de la vie agitée qu'il avait eue jusqu'alors, il ne songea plus qu'à jouir en paix du repos qui lui était offert.


Doué du caractère le plus aimable, de bonté et d'obligeance pour les artistes, d'un esprit naturel orné d'une instruction variée, de beaucoup de gaieté, et de manières nobles qu'il avait puisées dans la haute société où il avait vécu, Dussek avait pour amis tous ceux qui le connaissaient.  On ne lui reprochait qu'un défaut qui nuisait plus à lui-même qu'aux autres :

c’était une insouciance incurable, qui lui faisait négliger le soin de ses affaires, et qui le mit souvent dans de grands embarras.  Dans les dernières années de sa vie, son embonpoint était devenu excessif, ce qui ne lui avait rien ôté de son agilité sur le piano; mais la difficulté de se mouvoir, qui en était la suite, lui avait fait contracter l'habitude de passer au lit la plus grande partie du jour.  Pour sortir de l'espèce d'apathie qui résultait de ce genre de vie, il était obligé de faire un usage immodéré de vin et de liqueurs fermentées, comme de stimulants, qui finirent par altérer sa constitution, et par lui donner la mort.  Il  cessa de vivre, à Paris, le 20 mars 1812.


Également célèbre comme exécutant et comme compositeur pour son instrument, Dussek a mérité sa double réputation par de rares talents.  On se souvient encore de l'effet prodigieux qu'il fit en 1808, aux concerts qui furent donnés à l'Odéon par Rode, Baillot et Lamarc. Jusque-là le piano n'avait paru qu'avec désavantage dans les concerts;  mais sous les mains de Dussek il éclipsa tout ce qui l'entourait. Le style large et sage de cet artiste, sa manière de chanter sur un instrument privé de sons soutenus, enfin la netteté et la délicatesse de son jeu, lui procurèrent un triomphe dont il n'y avait point eu d'exemple auparavant. Ses compositions se distinguent par des formes qui lui sont propres, par des motifs brillants, par des mélodies heureuses, et par une harmonie riche, bien que parfois incorrecte.


Dussek a publié soixante-seize œuvres pour le piano, qui consistent en 

douze concertos, 

une symphonie concertante pour deux pianos, 

un quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse, 

un quatuor pour les mêmes instruments sans contrebasse 

dix œuvres de trios ou sonates accompagnées 

quatre-vingts sonates avec accompagnement de violon. 

neuf sonates à quatre mains, 

trois fugues idem, 

cinquante-trois sonates pour piano seul, et 

un grand nombre de rondeaux, fantaisies, airs variés, et valses pour piano seul. 


Une collection complète de ses œuvres à été publiée à Leipsick, chez Breitkopf et Hœrtel. Parmi ses ouvrages, ceux que Dussek estimait le plus sont les œuvres 9, 10,14, 35, la sonate intitulée « les Adieux à Clementi », et celle qui a pour titre « le Retour à Paris ». Il avait publié à Londres une méthode pour le piano, en anglais, qu'il a traduite en allemand, pour la faire paraître à Leipsick, et dont une traduction française a été publiée à Paris, chez Érard.  Il a donné aussi à Londres deux opéras anglais, qui ont eu peu de succès; enfin, on connaît de lui en Allemagne une messe solennelle qu'il a composé à l'âge de treize ans, plusieurs oratorios allemands, entre autres celui de la Résurrection, sur la poésie de Klopstock. Il y a aussi beaucoup d'autre musique d'église de sa composition qui est conservée à l'église de Sainte-Barbe, à Kuttenberg, ainsi que dans l'église collégiale de Czaslau.  Un beau portrait de Dussek a été peint à Londres par Cosway, et gravé en 1800 par P. Coudé.



Extrait de Tome III; P.95-96 de la « Biographie Universelle des Musiciens »  par François-Joseph Fétis, 1860-1866 @BnF Gallica.




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