samedi 22 août 2020

GLINKA (Mikhail)

GLINKA (Mikhail) 

(1er juin 1804 - 15 février 1857) selon Wikipédia


GLINKA (Michel De), compositeur russe, naquit en 1804, d'une famille noble et riche, dans une terre près de Smolensk.  Bercé par les mélodies si originales de sa patrie, il conçut pour elles, dès son enfance, un goût passionné qui ne s'est pas affaibli par la suite, et qui a exercé sur son talent une influence considérable.  On ignore le nom du maître qui dirigea ses premières études musicales : il était âge de dix-huit ans lorsqu'il reçut, à Moscou, des leçons de piano de Field, et c'est à ce maître de la bonne école d'autrefois qu'il fut redevable de l'exécution élégante autant qu'expressive qu'il eut, dans sa jeunesse, sur cet instrument. Homme de plaisir et jouissant, par les avantages de la naissance et de la fortune, de tous les agréments réservés en Russie aux membres de la haute société, M. de Glinka ne considéra d'abord la musique que comme un art d'agrément, suivant l’expression usitée dans le monde.  Son heureux instinct lui inspirait des mélodies où se révélait un sentiment très-fin de cet art : elles se répandaient chez les amateurs, et les éditeurs s'empressaient de les publier.  Le pianiste et compositeur distingué Henselt a pris quelques motifs de ces mélodies comme thèmes de plusieurs morceaux de piano.  Glinka laissa aussi mettre au jour de jolies inspirations pour cet instrument sur lequel il brillait.


Après avoir résidé quelque temps à Varsovie, d'où il ne s'éloigna que par suite des événe-

ments de 1830, il obtint de son gouvernement l'autorisation de se rendre en Italie. Il séjourna d'abord à Vienne pendant plusieurs mois, puis il se rendit à Venise, où il s'arrêta pour jouir 

de la vie facile et polie de cette reine de l'Adriatique.  À Milan, il publia des canzones italiens;  des divertissements pour piano et instruments à cordes sur des thèmes de Bellini et  de Donizetti; une sérénade pour piano, harpe, cor, basson, alto, violoncelle et contrebasse, sur des motifs d'Anna Bolena; sextuor original pour piano, deux violons, alto, violoncelle et contre-

basse; des variations brillantes et des rondeaux pour piano seul, sur des thèmes de la Somnambule de Bellini, enfin, des danses pour piano à quatre mains.  En 1833, M. de Glinka était à Naples et y charmait les salons par son talent de pianiste, par ses cantilènes que chantait Iwanoff, alors dans la possession complète de son admirable voix de ténor, et par la manière dont le compositeur les accompagnait.  En 1836, il était de retour à Pétersbourg, après s'être arrêté quelque temps à Berlin, où Dehn lui donna des leçons de contrepoint. 


Un changement considérable s'était alors opéré en lui de délassement que la musique était autrefois, elle était devenue pour lui une chose sérieuse, parce qu'il avait compris qu'il était destiné à y occuper un rang d'artiste par son talent.  Le désir de révéler à sa patrie ce talent par une grande composition suivant l'expression lui fit entreprendre l'opéra en langue russe

dont le titre traduit est la vie pour le Czar ».  Plusieurs année furent employées par M. de

Glinka à la composition de cet ouvrage, qui fut représenté, en 1839, au théâtre du Grand-

Opéra de Saint Pétersbourg.  Un succès d’enthousiasme l'accueillit, et l'auteur fut placé

immédiatement par l'opinion publique au rang du plus célèbres compositeurs, la cour impé-

riale avait pris intérêt à la mise en scène de l'œuvre patriotique de M. de Glinka, et rien

n'avait été négligé pour donner de l'éclat à sa représentation.  Léonoff, fils naturel du célèbre

pianiste Field, ténor et bon musicien, une cantatrice russe dont l'éducation avait été faite en

France, et qui fut connue à Paris sous le nom de mademoiselle Verteuil, madame Stepanowa,

seconde femme, et le bassiste Péterof, chantèrent convenablement les rôles; les chœurs fu-

rent très-bien exécutés, et l'orchestre, dirigé avec soin par Cavos, artiste italien de beaucoup

de mérite, rendit avec exactitude les intentions du compositeur.  À la première partition de M.de Glinka succéda un grand opéra en cinq actes, Rouslann et Lioudmila, dont le sujet, pris dans l'histoire ancienne des Russes et de grands-ducs de Kiew, est populaire chez les Russes par le poème de Pouschkine.  Quoique cette composition ait été bien accueillie, le succès n'eut pas autant d'éclat que celui de la Vie pour le Czar.   


La faveur dont l'auteur jouissait à la cour impériale lui fit obtenir l'autorisation de faire de nouveaux voyages dans le midi de l'Europe.  M. de Glinka était âgé de quarante ans lorsqu'il arriva à Paris, en 1844.  Inconnu de tous, à l'exception de quelques artistes qui avaient visité la Russie, il voulut prendre position en France parmi les compositeurs renommés, et le seul moyen qui lui fut offert consista à donner un concert pour y faire entendre quelques fragments de ses œuvres.  À cet effet, il loua la salle de Herz, y fit réunir un orchestre sous la direction de M.Tilmant, et y fit entendre quelques morceaux de peu d'importance qui ne pouvaient donner qu'une idée fort imparfaite de ses grands ouvrages.  Le public, qui n'entendait pas les paroles et ne connaissait rien des situations dramatiques auxquelles appartenaient les choses qu'il entendait, trouva cette musique ennuyeuse, et les artistes ne considérèrent M. de Glinka que comme un arrangeur habile des mélodies de son pays, dont il a fait, en effet; un emploi très large dans ses deux opéras.  Trompé dans son attente, et blessé qu'on l'eût jugé avec précipitation d'une manière défavorable, dans une ville dont l'opinion lui avait paru importante, il partit vers le milieu de 1845.  


Au mois de juillet de la même année, il était à Valladolid, et au mois d'octobre il arriva à Madrid.  L'objet de son voyage était de recueillir dans la péninsule une riche collection de mélodies populaires du pays.  Homme du monde et ami du plaisir, il passa plusieurs années en Espagne, dans le dolce far niente*, ou n'ayant d'autre occupation que celle de collectionneur et d'arrangeur d'airs populaires.  Ses amis voyaient avec regret s'écouler le temps sans qu'il produisit rien de sérieux pour l'art; mais il était dans une de ces phases de dégoût qui sont plus fréquentes qu'on ne pense, même chez les artistes qui n'ont connu que le succès.  


M. de Glinka ne retourna en Russie qu'à la fin de 1852 : alors il parut se réveiller et vouloir rentrer avec activité dans la carrière où il s'était précédemment distingué.  Un changement se fit bientôt dans sa position, car l'empereur de Russie lui confia la direction de sa chapelle et de l'Opéra.  Ses nouvelles fonctions lui inspirèrent le goût de la musique d'église; il écrivit plusieurs œuvres de ce genre, au nombre desquelles était une messe avec orchestre à laquelle il mettait la dernière main lorsque la mort le surprit à Berlin, le 15 février 1857, à l'âge de cinquante-trois ans.  


Sa perte est regrettable pour les progrès de la musique en Russie; car, quelque soit le jugement que portera la postérité des deux grands ouvrages qui ont fait sa réputation chez ses compatriotes, elle ne pourra méconnaître dans sa musique un caractère tout spécial qui s'éloigne des tendances et des formes de la musique des écoles française, italienne et allemande, de toutes les époques.  Les partitions réduites pour le piano de la Vie pour le Czar, et de Rouslann et Lioudmila, ont été gravées à Saint-Pétersbourg, où l'on s'occupe de la publication des œuvres posthumes de M. de Glinka.


Extrait de Tome IV; P.25-27 de la « Biographie Universelle des Musiciens »  par François-Joseph Fétis, 1860-1866 @BnF Gallica.




GLINKA (Michel - Ivanovitch DE), né le 20 mai 1804 au village de Novo-Spaskoïé, gouverne- ment de Smolensk, est  mort à Berlin dans la nuit du 2 au 3 février 1857.  Pour qui voudrait compléter la biographie donnée par Fétis de ce grand compositeur, n'existe actuellement que

des sources d'informations en langue russe d'abord les Mémoires de Glinka lui-même, puis

une étude biographique de M.Stanoff, et plus récemment une autre étude publiée par M.Solovieff dans le journal Mousikalny Listok (1872).  Il ne  nous paraît que plus urgent aujourd'hui de donner la liste des œuvres de Glinka et d'esquisser une appréciation de son génie.  Voici d'abord, par ordre chronologique, la liste de ses œuvres:


1822. Variations sur le thème en ut majeur de l'opéra de Weigl, la Famille suisse (premier

essai de Glinka); Variation pour harpe et piano sur un thème de Mozart; Valse en fa majeur pour piano (original). 

1823.  Septuor;  Adagio et rondo pour orchestre.  

1824.  Quatuor pour instruments à cordes 

Symphonie en ré mineur (non terminée);

Romance : Ma harpe.

1825. Romance : Ne me tente pas; Variations sur la romance « Benedetta sia la madré » (c'est la première œuvre imprimée de Glinka);

Musique d'un prologue écrit à l'occasion de la mort d'Alexandre Ier et de l'élévation au trône

de Nicolas, composée pour être exécutée chez le général Apoukhtine à Smolensk). 

1826. Romance : la lune brille; id., Pauvre chanteur.

1827. Romances : le Baiser, Que j’ai de tristesse; Scènes théâtrales pour chant et  orchestre (duo avec récitatif en la majeur; Chœur sur la mort d'un héros; Air pour baryton; Prière à trois

voix).

1828. Sérénade sur les paroles, O mia dulce(sic); 

Quatuor en fa majeur 

Deux quatuors pour voix avec accomp. d'instruments, en ut majeur et en sol bémol; Romances : Souvenir du cœur; Un moment; Dis-moi pourquoi; O nuit; Des jeunes filles m'ont dit; Ne chante pas, enchanteresse.

1829. Romances: Oublierai-je; Nuit d'automne; Voix de l’autre monde.

1830. Quatuor pour instrument à cordes, en fa majeur; 

Six études pour contralto,


(Voyage à l'étranger, maladie, retour en 1834. Il se met à travailler à son opéra « Ivan Sous-

sanine »,c'est-à-dire la Vie pour le tsar. 1836. L'ouverture et le premier acte de la Vie pour le

tsar sont terminés et exécutés chez le Prince Ioussoupof, puis chez le comte Vielnorsky. La

première représentation de l'opéra entier au théâtre de l'Opéra russe est fixée au 27 novem-

bre 1836).

1831. Variations sur un motif d'Anna Bolena; Variations sur deux thèmes du ballet Chav Kong; Rondo sur un thème des Montecchi e Capuletti.

1832. Sérénade sur un motif de la Sonnambula (pour piano, deux violons, alto, violoncelle

et contrebasse); Romance sur les paroles: Ah! se tu fossi mia; Impromptu en galop, sur un motif de l’Elisir d'amore; Sextuor.

1833. Trio pour piano, clarinette et hautbois. – 

1834. Romances : La forêt de chêne gronde; Ne me dis pas que mon amour finira; Variations sur le thème du Rossignol; Pot-pourri sur quelques airs russes, à quatre mains; 

Étude d'ouverture-symphonie sur un thème russe; Romances: Ne l’appelle pas ange; Inésille; Dès que je t'ai connue.

1834-36. la Vie pour le tsar, opéra.

1836 (27novembre), première représentation de la Vie pour le  tsar.

1836-37 Scène ajoutée à l'opéra la Vie pour le tzar; Fantaisie (la revue nocturne) pour voix; Polonaise avec choeur, pour le bal donné parla noblesse de Smolensk à l'occasion du passage du Csarévitch; Hymme cherubique; Deux romances: Où est notre rose? et Zéphyr nocturne.

1838. Romances: le Doute, et Dans mon sang brûle le feu du désir.

1839-40. Valse et polonaise en mi majeur pour orchestre; Romance: Si je te rencontre;

Nocturne; la Séparation (sur paroles françaises); Romance: Je me souviens de cette heure divine; la Kamarinskaïa, pour piano à 3 mains (non terminé), et toute une série de romances

publiée sous ce titre « Adieux à Pétersbourg. »

1840. Pour le drame de Koukolnik le Prince Kholmsky, Glinka écrit l'air : Le vent souffle à la porte; Romance: le Songe de Rachel; Tarentelle pour orchestre, avec chant et danses.

1841. Chœur de sortie, en mi majeur, pour les demoiselles de l'Institut-Catherine.– 

1842. Première représentation de Rousslan et Lioudmila, le 27 novembre, six ans, jour pour Jour, après le premier opéra de Glinka. – 

1843. Romances: Je t'aime, charmante rose, et A elle; Tarentelle en la mineur, pour piano.– 

De 1844 à 1847. Voyages en France et en Espagne, Glinka ne compose pas.

1847. Collection d'airs populaires espagnols : Jota aragonalse. Souvenir d'une mazurka et Barcarolle (publiées sous le titre : Salut à mon pays); Variations sur un thème écossais, Romances: Ma charmante! Quand j'entends ta voix; leToast; la Chanson de Marguerite; La Kamarimkaïa pour orchestre; Recuordes de Castilla, pour orchestre.


De 1849 à 1851. O charmante, fille; Adèle et Mary, chœur de sortie en si majeur, pour les élèves du couvent de Smolna; Seconde ouverture espagnole; le Golfe de Finlande, avant-

dernière romance de Glinka. 

1853. À Paris, Glinka écrit la première partie (allegro en ut mineur) d'une symphonie de l'Ukraine, Tarass Boulba; il en commence la seconde partie, puis abandonne ce travail. – 

1854-55. Orchestration de L’Invitation à la valse, du Nocturne de Hummel en fa majeur, de sa Revue nocturne, et du chant: Ne l'appelle pas ange; arrangement de sa Prière pour voix seule avec chœur et orchestre; Polonaise solennelle pour le couronnement de l'empereur Alexandre II. – 

1856. Essai d'accompagnement des mélodies religieuses russes selon leur caractère: Glinka arrange à trois voix une prière pendant la messe, et le chant : Que ta volonté s'accomplisse; ces deux morceaux sont exécutés au couvent de St-Serge. 

Ne dis pas que ton cœur souffre, dernière romance de Glinka.


II n'y a pas à insister sur les œuvres de jeunesse qui précédèrent le premier retour de Glinka en Russie vers la fin de 1834; lui-même y attachait peu d'importance; mais c'est à la fréquentation d'artistes tels que Nozzari, Mme Mainvielle-Fodor et à l'admiration où il vécut durant quatre années de tous les grands virtuoses du même temps, qu'il dut d'acquérir l'art de bien écrire pour les voix, art trop négligé dans la nouvelle école russe. Ce long séjour en Italie et l'influence avouée par Glinka des opéras français de Méhul et de Chérubini doivent être rappelés pour expliquer la prédominance encore très-sensible des formes de l'opéra franco-italien dans le premier opéra de Glinka, la Vie pour le tzar.


Ces formes n'empêchent pourtant pas que l'œuvre ne soit bien nationale d'inspiration. Elle ne l’est pas seulement par le sujet, qui se rapporte au moment critique où la Russie reprit enfin l'avantage dans son duel séculaire avec la Pologne: c'est le style même qui s’inspire souvent des mélodies populaires russes, et Glinka sait faire passer et pénétrer à travers tous les

développement de la composition musicale ce sentiment, cette essence originale et vraiment

nouvelle dans le monde de l'art. Pour mieux en faire saillir le caractère, Glinka eut l'idée géniale d'opposer l'élément polonais à l'élément russe dans la musique même: le contraste est marqué de main de maître. Le caractère polonais, hardi, provoquant, cavalier, s’exprime en rythmes pointés, en motifs brillants; le caractère russe durant les premiers actes semble d'abord condamné aux rhythmes syncopés, inquiets, à la modalité mineure, exprimant la mélancolie, les sentiments contenus ou tourmentés; mais il a, lui aussi, son explosion de joie cordiale dans le grandiose finale « Ilavsia» de l'épilogue. On peut trouver une analyse du drame et de la partition de la Vie pour le tsar dans notre livre : Les Nationalités musicales (libr. académ. de Didier, 1872). La première représentation eut lieu le 27 novembre 1836.  Fétis a nommé les artistes qui créèrent l'ouvrage et le chef d'orchestre qui en conduisit les études: pour ce dernier, il est curieux d'ajouter que Kavos avait composé un opéra russe sur le même sujet, Soussanine, lequel avait eu dans son temps un grand succès, mais que celui de Glinka mit définitivement à néant.


La première représentation de Rousslan et Lioudmila fut donnée le 27 novembre 1842, six

ans jour pour jour après la Vie pour le tzar. Le succès en fut un peu plus laborieux au début;

c'est la faute du livret. La sujet vient pourtant d'un très-beau conte fantastique de Pouchkine,

mais Pouchkine n'était plus là pour transformer son œuvre lui-même; Glinka, dans ses Mémoires, avoue qu'il écrivit sa partition par fragments, et qu'on ne s'avisa d'un plan, d'un lien logique que dans les derniers temps. Mais les beauté de la musique sont si éclatantes qu'elle sont fini par triompher des défectuosités du poème; aujourd'hui Rousslan est joué aussi fréquemment que la Vie pour le tzar, et le vaste hémicycle du théâtre Marie est toujours plein dès qu'on reprend l'un des chefs-d'œuvre de Glinka. L'opéra de Rousslan a été analysé dans une courte série d'articles publiés en janvier 1874 par le journal le Nord.


Si la Vie pour le tzar est plus populaire en Russie et a plus de chance, de par son drame,

d'être représentée à l'étranger, Rousslan, en tant que partition, est un événement plus considérable dans l'histoire de la musique. Glinka en écrivant cet ouvrage était très-préoccupé de faire du nouveau, d'échapper aux traditions de l'art européen. Il avait recherché les mélodies orientales, et coulait son inspiration dans des modèles curieux, tantôt imaginant des gammes différentes des modes diatoniques, tantôt soudant intimement les deux modalités (comme dans la Lezglinka), tantôt employant la gamme des six tons entiers, comme il a fait au premier acte au moment où Lioudmila est enlevée dans le char du magicien, gamme vraiment diabolique, d'une solennité massive et stupéfiante. Il faut ajouter que la mise en œuvre est aussi magistrale qu'inspirée, que cette gamme en tons entiers par exemple n'est qu'un incident fugitif dans un finale admirablement conçu et traité. Il y a des morceaux à cinq temps, d'un caractère vivace; il y a de curieux procédés de rhythme comme dans le chœur des filles persanes, des partis-pris harmoniques qui veulent rappeler le moyen-âge; mais c'est par la seule vertu de l'inspiration que le compositeur arrive à nous donner la sensation des temps légendaires dans la ballade de sorcier finnois ou dans la scène du chevalier Farloff avec la fée, scène accompagnée 'une symphoniette exquise. L'air de Rousslan dans la steppe, ceux de Lioudmila au 4e acte et de Gerislava au 3e, ceux de Latmir établiraient  l'originalité de Glinka comme mélodiste s'il n'y avait bon nombre de romances détachées, de ballades et de duos pour l'affirmer.


On se rendra compte aussi de la souplesse d'imagination du symphoniste en comparant à la marche de Tchernomor et aux danses circassiennés de Rousslan, le ballet polonais de la Vie pour le tzar, la Kamarioskaïa inspirée de deux airs populaires grand-russiens, et les symphonies tout espagnoles:  la Jota aragonese, les Recuérdos de Castilla, les Souvenirs d'une nuit d'été à Madrid … Il faut en effet bien marquer que c'est la Russie méridionale des temps fabuleux que l'opéra de Rousslan fait revivre. Tandis que  dans son premier opéra Glinka regarde encore vers l'occident où il a fait ses humanités musicales, et donne un couronnement final à la période de semi-nationalisme essayé par ces prédécesseurs, Kavoss, Titoff, Werstowsky, dans Rousslan il oriente l'inspiration vers le Caucase où il avait passé une de ses années de jeunesse, vers la Russie asiatique inconnue de nous, méconnue de bien des Russes, et il découvre par là tout un monde musical inattendu. C'est cette partition surtout que les musiciens russes prennent pour leur point de départ. Des controverses fécondes se sont établies à l'entour; Alexandre Séroff, en prenant à part «les Rousslanistes » a provoqué

de remarquables répliques, celles entr'autres de M.Hermann Laroche. Soit par l'imitation, soit par de libres divergences, l’école nationale a pris carrière: Dargomijsky a continué Glinka non sans un grand talent, Séroff non sans quelque génie; nous connaissons Rubinstein, mais nous ne connaissons pas assez MM.Tchalkowsky, Balakireff, Rimsky-Korsakoff… Toute cette école militante salue en Glinka son initiateur vénéré, et personne en Europe ne doit ignorer qu'il est le père d'une nouvelle nationalité musicale(1).



(1) Le 28 novembre 1876 (calendrier russe), on célébra avec éclat au théâtre Marie, de Saint-Pétersbourg, avec la 448e représentation de la Vie pour le tzar, le quarantième anniversaire de ce chef-d'œuvre de Glinka, qui avait été joué pour la première fois le 27 novembre 1836. Le grand chanteur Pétrow, créateur du rôle de Soussanine, l'avait repris pour cette solennité, considérée comme une fête nationale, et Il n'est pas besoin de dire que le succès de l’œuvre et celui de l'artiste furent Immenses. Au lever de rideau, la scène du théâtre

Marie présentait un spectacle Imposent. Placé sur un haut piédestal, le buste de l'illustre compositeur était entouré de tous les artistes, revêtus des costumes des rôles remplis par eux dans la Vie pour le tzar et dans Rousslan. Une seule personne était en costume de ville:

c'était Mme Pétrow, l'épouse du célèbre chanteur, qui, étant alors Mlle Voroblew, avait créé naguère le rôle de l'orphelin Vania. Sur le piédestal on lisait le nom du maître : Michel Ivanovitch de Glinka, 1803-1857; à droite: Jour du quarantième anniversaire de l’opéra « la Vie pour le tzar », 26 novembre 1836-1876, et à gauche : Au grand compositeur russe, les Russes reconnaissants. C'est Mme Pétrow qui eut l'honneur de déposer au pied du buste de Glinka la première couronne de laurier; après quoi M.Pétrow monta lul-même sur l'estrade et ceignit d'une autre couronne le front du compositeur. A cette vue, le public, tant au parterre que dans les loges, se leva d'un mouvement unanime et acclama avec enthousiasme l’image du maître regretté. Ce fut un moment d'émotion indescriptible.



Extrait de Supplément Tome I; P.387-390 de la « Biographie Universelle des Musiciens »  par François-Joseph Fétis, 1878 @BnF Gallica.





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Nowakowski (Józef)