dimanche 26 décembre 2021

Nowakowski (Józef)

Nowakowski (Józef)

(le 16 septembre 1800 - le 27 août 1865)




NOWAKOWSKI (JOSEPH), pianiste et compositeur polonais, est né dans les premières années du dix-neuvième siécle à Moiseck, dans le palatinat de Radom. Les éléments de la musique lui furent enseignés dans un monastère de l'ordre de Citeaux, à Wonchock, où son oncle maternel dirigeait le chœur. Ses progrès furent rapides; dès sa treizième année, il chantait la partie de soprano dans la musique d'église, jouait du piano et du violon. Un Bohème, bon musicien, qui l'entendit dans une maison où il donnait des leçons, lui conseilla d'aller étudier à Varsovie, où il trouverait des moyens d'instruction pour son art. Convaincu qu'il ne pouvait rencontrer d'habiles maîtres que dans la capitale de la Pologne, Nowakowski s'y rendit en effet. Admis au conservatoire de cette ville, il y continua ses études de piano. Wurfel lui enseigna l'harmonie, et Elsner fut son maître de composition. Sa première production fut une ouverture exécutée avec succès par l'orchestre du conservatoire, en séance publique de la distribution des prix. Ce bon accueil fait à son premier essai fut un encouragement pour le jeune compositeur, et lui fit faire de nouveaux efforts pour le développement de son talent. Lorsqu'il entreprit son premier voyage à l'étranger, en 1833, il était déjà considéré comme un des meilleurs compositeurs de la Pologne, et sa réputation comme professeur de piano était des plus brillantes. Il visita l'Allemagne, l'Italie et s'arrêta quelques mois à Paris, où il se fit entendre sur ie piano dans les salons et dans les concerts. 


De retour à Varsovie, il publia quelques-unes de ses meilleures compositions, au nombre desquelles est son premier quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse dédié à l'empereur Nicolas. Ayant été nommé professeur de piano à l'institut d'Alexandre, il y forma de bons élèves qui sont devenus plus tard d'habiles maîtres de leur instrument. Dans les années 1838, 1841 et 1846, M. Nowakowski a fait de nouveaux voyages à Paris, et y a publié divers ouvrages, au nombre desquels sont ses 12 grandes études dédiées à Chopin. 


Les compositions de cet artiste, en différents genres, sont au nombre d'environ soixante œuvres. On y remarque deux messes à quatre voix et plusieurs autres morceaux de musique d'église avec orgue; deux symphonies et quatre ouvertures pour l'orchestre; plusieurs polonaises et marches idem ; deux quintettes pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse; un quatuor pour instruments à cordes; des polonaises, mazurkas, rondeaux, airs variés, fantaisies, nocturnes et grandes études pour piano; un duo pour piano et violon dédié à Charles Lipinski; deux livraisons de chants polonais; des mazurkas pour le chant, des ballades et des romances allemandes, françaises et italiennes publiées à Berlin, Leipsick, Breslau et Varsovie; environ vingt polonaises pour piano et orchestre, et un grand nombre de mazurkas, quadrilles, polkas et valses. M. Nowakowski est aussi auteur d'une méthode de piano et de deux recueils d'exercices pour les élèves,



 Extrait de Tome VI; P.339-340 de la « Biographie Universelle des Musiciens »  par François-Joseph Fétis, 1860-1866 @BnF Gallica.




dimanche 18 juillet 2021

STERKEL (Johann Franz Xaver)

 le 3 décembre 1750 - le 12 octobre 1817 


STERKEL (l'abbé JEAN-FRANÇOIS-XAVIER), compositeur agréable, naquit à Wurtzbourg, en Bavière, le 3 décembre 1750. Les Organistes Kette et Weismandel, de cette ville, commencèrent son éducation musicale. Ses progrès furent rapides, quoique ses études littéraires et scientifiques le détournassent de son penchant pour la musique. Sorti du collège, il se vona à l’état ecclésiastique et obtint une place de vicaire à la paroisse de Neumünster, à laquelle on réunit, en sa faveur, celle d'organiste. Dès son enfance, il s'était essayé dans la composition: Il cultiva plus tard son talent naturel pour cet art, et commença à écrire des symphonies d'un style facile et agréable, qui a de l'analogie avec celui de Pleyel.  II les faisait exécuter à son église et dans des concerts, où elles obtenaient de brillants succès. 

  Son double talent de pianiste et de compositeur le fit appeler, en 1778, à la cour du prince électoral, à Aschaffenbourg, pour remplir les fonctions de professeur de piano et de chapelain. Dans l'année suivante, le prince I'envoya en Italie, pour y perfectionner son goût et son talent. Il visita Florence, Rome, Naples, Venise et plusieurs autres grandes villes; partout il se fit entendre avec succès sur le piano. À Naples, la reine l'engagea à écrire un opéra, et il composa le Farnace, que les Napolitains accueillirent avec faveur en 1780. Rappelé à Mayence, en 1781, par le prince électoral, il y obtint un canonicat; mais quels que fussent les avantages qu'il trouvait dans sa carrière ecclésiastique, ils ne le détournaient pas de son penchant pour la musique. Ce fut alors qu'il commença à écrire des chansons allemandes qui obtinrent un succès d'enthousiasme. Ses œuvres instrumentales, particulièrement ses sonates de piano, se multipliaient avec une prodigieuse activité. Sa position de chanoine de la cathédrale ne l'empêchait pas de se livrer à l'enseignement du piano et du chant. Il forma plusieurs élèves distingués, parmi lesquels on remarque les compositeurs Hofmann et Zulehner, et les ténors Grunbaum et Kirschbaum.

  En 1793, l’électeur de Mayence nomma l'abbé Sterkel son maître de chapelle, après le départ de Righini pour Berlin.  Dès ce moment, il se livra exclusivement à la composition et écrivit des messes et d'autres grands ouvrages pour l'église.  Ses travaux ne furent pas interrompus que par les événements de la guerre qui obligea l'électeur à s'éloigner de Mayence. Sterkel se retira à Wartbourg, avec son titre de maître de chapelle, mais sans conserver d'activité dans ses fonctions. Toutefois, il y composa quatre messes solennelles. C'est à cette époque qu'il publia un très-grand nombre de petits morceaux de piano pour les amateurs, qui eurent un succès populaire et dont on fit plusieurs éditions. En 1803, la place de maître de chapelle du prince polonais Choloniewski lui fut offerte, mais il la refusa, et préféra la position de maître de chapelle du prince primat, á Ratisbonne, dont il alla prendre possession en 1808. Là, son activité se réveilla. Voulant avoir de bons chanteurs pour l'exécution de sa musique, il établit une école chorale, et composa pour les élèves qu'il y avait rassemblés des chants à plusieurs voix, dont quelques-uns ont été considérés comme des modèles de grâce et de bonne harmonie. 

  Les événements de 1813 vinrent troubler la fin de la carrière de cet artiste estimable. Obligé de s'éloigner alors de Ratisbonne, il revint pour la dernière fois dans sa ville natale, y languit quelque temps, et y mourut le 12 octobre 1817, à l'âge de soixante-sept ans.


  Sterkel ne peut être considéré comme un de ces hommes de génie dont les productions marquent une époque de l'histoire de l'art; mais sa musique abonde en mélodies agréables, accompagnées d'une harmonie pure et correcte, enfin, le plan de ses ouvrages est toujours sage et convenablement développe, Sa fécondité fut singulière, car indépendamment de beaucoup de grandes productions pour l'église qui sont restées en manuscrit, plus de cent œuvres de sa composition ont été mis au jour. Parmi ses ouvrages, on remarque : 

I. Musique instrumentale : 

1° Quatre symphonies pour l'orchestre, œuvre 7; Paris, Sieber. 

2° Quatre idem, op. 11; ibid. 

3° Deux idem, op. 38; Paris, Imbault. 

4° Ouverture idem (en fa); Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

5° Idem, no 2 (en sol); ibid. 

6° Quintette pour deux violons, deux altos et violoncelle; Vienne, 1794.

7° Six trios pour deux violons et violoncelle, op. 6; Paris, Sieber. 

8° Six duos pour violon et alto, op. 8; ibid. 

9° Concertos pour le piano, no 1 (en ut); no 2 (en ré); no 3 (en fa); no 4 (en ut), Paris, Naderman; no 5 (en si bémol), Vienne, Artaria; no 6 (en ut); op. 40, Offenbach, André. 

10° Sonates pour piano, violon et basse, op. 17, Mayence, Schott; op. 34, Offenbach, André; op. 45, Mayence, Schott; op. 47, Leipsick, Breitkopf et Hærtel; op. 48, Berlin, Schlesinger, œuvres posthumes no 1 et 2; Bonn, Simrock.

11° Sonates pour piano et violon, op. 15, 16, 18, 19, 25; Mayence, Schott, op. 27, 33, 41, Offenbach, André; op. 44, Mayence, Schott. 

12° Sonates pour piano à quatre mains; op.14 et 15, Paris, Naderman; op. 21, Berlin, Concha; op. 23, Mayence, Schott; op. 28, Offenbach, André. 

13° Sonates pour piano seul, op. 5, 36, 39, Mayence, Schott; Offenbach, André. 

14° Beaucoup de petites pièces, divertissements, rondes et fantaisies. 

15° Quelques œuvres de variations. 

II. Musique vocale: 

16° Dix recueils de chansons allemandes avec accompagnement de piano, publiées à Vienne et à Mayence. 

17° Trois recueils de canzonettas italiennes; ibid. 

18° Deux recueils de duos italiens pour deux voix de soprano; ibid. 

19° Quelques scènes et airs détachés ; ibid.




mardi 6 juillet 2021

SCHUBERT (Franz)

le 31 janvier 1797 - le 19 novembre 1828


SCHUBERT (François-Pierre) naquit à Vienne, le 31 janvier 1797. A l'âge de sept ans, il reçut les premières leçons de musique de Michel Holzer. Quatre ans après, la beauté de sa voix et son intelligence musicale le firent admettre comme enfant de chœur dans la chapelle impériale, et dans le même temps il se livra à l'étude du piano et de plusieurs instruments à cordes, qu'il cultiva avec tant de succès que, avant l'âge de quinze ans, il put tenir l'emploi de premier violon dans les répétitions d'orchestre. L'organiste de la cour Rucziezka fut son maître d'harmonie, et Salieri lui enseigna le chant et la composition. Après que la mue de sa voix l'eut obligé à sortir de la chapelle impériale, il se livra seul à l'étude des œuvres de Haydn, de Mozart et de Beethoven, et chercha
les ressources pour son existence en donnant des leçons. Le goût de la musique était une véritable passion parmi les membres de sa famille : souvent ils se réunissaient pour exécuter des quatuors; les frères de François Schubert jouaient les parties de violon; lui-même jouait l'alto, et leur père se chargeait de la partie du violoncelle. Une mélancolie habituelle était le trait dominant du caractère du jeune artiste : la musique seule pouvait l'en distraire et le porter à l'enthousiasme expansif. Dès son enfance, il avait écrit beaucoup de compositions instrumentales, telles que quatuors et symphonies, sans autre direction que ses propres idées plus tard il s'essaya dans tous les genres, et montra dans ses productions une prodigieuse fécondité. Dans quelques-uns, et surtout dans les ballades et les chansons, il fit preuve de génie et se créa un style dans lequel il a eu beaucoup d'imitateurs, mais point de rivaux, chacune de ces petites pièces devenant par ses inspirations du drame entier ou la nouveauté de la mélodie, la justesse de l'expression et jusqu'aux détails de l'accompagnement s'unissent pour former un ensemble souvent complet et parfait. Créateur de ce genre, il y a attaché son nom de manière à la rendre impérissable. Ses autres compositions, particulièrement ses quatuors pour violon, un quinette, un trio de piano et une grande symphonie (en ut), renferment de belles choses, mais n'ont pas le cachet de création qu'on remarque dans ses pièces de chant. Schubert s'est aussi essayé au théâtre, mais sans y produire de vive sensation : c'est qu'autre chose est le sentiment dramatique ou l'instinct de la scène, De très grands musiciens, Cherubini, par exemple, ont eu à un très-haut degré le sentiment dramatique, mais n'ont jamais bien compris les exigences vives et pressartre de la scène qui souvent y fait paraître froid et languissant tel morceau qui semble rempli de chaleur et d'entraînement au piano. Tel paraît avoir été Schubert.

  Ce musicien si distingué n'a eu qu'une existence obscure et retirée; toute l'histoire de sa vie se trouve dans ses ouvrages, il vécut presque toujours à Vienne, et n'en sortit que pour de petits voyages en Hongrie, dans la Styrie et dans la Haute-Autriche. Peu favorisé de la fortune, il s'accommodait de sa médiocrité, parce que le but de sa vie était la culture de l'art. Une maladie de langueur le conduisit au tombeau, le 19 novembre 1828, avant qu'il eût atteint sa trente-sixième année. Méconnu dans la plus grande partie de l'Allemagne et à I'étranger pendant sa vie, il a eu d'ardents admirateurs après sa mort, et ses ballades ont été redites d'un bout à l'autre de l'Europe avec un enthousiasme où la mode n'était pas étrangère, quelque mérite qu'il y ait d'ailleurs dans ces intéressantes productions.


  Parmi les œuvres de François Schubert publiés pendant sa vie ou après sa mort, on remarque : 

1° Premier quatuor pour deux violons, alto et basse, op.29 (en la mineur); Vienne, Diabelli. 

2° Deux quatuors, op.125 (en mi bémol et en mi); Vienne, Trentsensky. 

3° Grand quatuor, œuvre posthume (en fa); ibid. 

4. Grand quintette pour piano, violon, alto, violoncelle et contrebasse, op. 114 (en la); ibid. 

5° Grand trio pour piano, violon et violoncelle, op.99; Vienne, Diabelli. 

6° Rondeau brillant pour piano et violon, op.70; Vienne, Artaria. 

7. Trois sonatines, idem, op.187; Vienne, Diabelli. 

8° Beaucoup de sonates et pièces diverses pour piano à quatre mains. 

9° Grandes sonates pour piano seul, op.42 (en la mineur), et op.53 (en ré); Vienne, Artaria ; trois grandes sonates, œuvre posthume; Vienne, Diabelli.

10° Un très-grand nombre de rondeaux, fantaisies et pièces diverses pour piano seul. 

11° Messe à quatre voix et orchestre, op.48; Vienne, Diabelli. 

12° Idem, op.141; Vienne, Haslinger. 

13° Tantum ergo, à quatre voix et orchestre, op.45; ibid. 

14° Deux offertoires pour soprano ou ténor, orchestre et orgue, op.46, 47; ibid. 

15° Antienne pour le dimanche des Rameaux, à quatre voix et orgue; op. 113; ibid. 

16° Le 23e psaume pour deux sopranos et deux contraltos, avec orgue ou piano, op.132; ibid. 

17° Environ deux cents ballades et chansons à voix seule avec accompagnement de piano, dont quelques-unes telles que les Astres, Ave Maria, la Sérénade, le Roi des Aulnes, la Religieuse, le Départ, etc., sont devenues célèbres, 

18° Chants pour trois ou quatre voix d'hommes, (œuvres 11, 16, 17, 28, 61, 74; Vienne, Diabelli, Leidesdorf. 


  Schubert a laissé aussi en manuscrit, six messes, sept symphonies, dont une grande (en ut) a élé publiée après sa mort; les autres sont : première (en ré), deuxième (en ré, 1815), troisième (en si bémol, 1815), quatrième (en ut mineur, 1816), cinquième (en si bémol, 1816), sixième (en ut majeur, 1818), septième (en ut mineur, 1818), et quinze opéras, dont les titres sont: Der Spiegelritter (le Chevalier du Miroir, Des Teufels Lustschloss (le Château de plaisance du diable), terminé en 1814, Fernando, en un acte (1818), Claudine de Villabella, Rosamunda, les Conjurés, Der Minnesænger (le Troubadour), les Arts de Salamanque, en deux actes (1818), un Emploi pendant quatre ans, en un acte (1818), la Caution, en trois actes (1810), les Frères jumeaux, en un acte, une Harpe, opéra-féerie en trois actes (1890), Fier-à-bras, en trois actes, le Mauvais Ménage, en un acte (1835); enfin, deux opéras non terminés (Adraste et Sacontala).



Extrait de Tome VII; P.515-516 de la « Biographie Universelle des Musiciens »  par François-Joseph Fétis, 1860-1866 @BnF Gallica.


dimanche 4 juillet 2021

MENDELSSOHN (Felix)

(le 3 février 1809 - le 4 novembre 1847)


MENDELSSOHN-BARTHOLDY (FELIX), compositeur célèbre, fils d'un riche banquier, naquit à Hambourg, le 3 février 1809. Il n'était âgé que de trois ans lorsque sa famille alla s'établir à Berlin. Dans ses premières années, Mendelssohn montra de rares dispositions pour la musique. Confié à l'enseignement de Berger, pour le piano, et de Zelter, pour l'harmonie et de contrepoint, il fit de si rapides progrès, qu'à l'âge de huit ans il était capable de lire toute espèce de musique à première vue, et d'écrire de l'harmonie correcte sur une basse donnée. Une si belle organisation promettait un grand artiste. Le travail lui était d'ailleurs si facile en toute chose, et son intelligence était si prompte, qu'à l'âge de seize ans il avait terminé d'une manière brillante toutes ses études littéraires et scientifiques du collège et de l'université. Il lisait les auteurs latins et grecs dans leurs langues; à dix-sept ans, il fit une traduction en vers allemands de l'Andrienne de Térence, qui fut imprimée à Berlin sous les initiales F.M.B.  Enfin, les langues française, anglaise et italienne lui étaient aussi familières que celle de sa patrie. De plus, il cultiva aussi avec succès le dessin et la peinture, et s'en occupa avec plaisir jusqu'à ses derniers jours. Également bien disposé pour les exercices du corps, il maniait un cheval avec grâce, était habile dans l'escrime et passait pour excellent nageur.

  Obligé de satisfaire à tant d'occupations, il ne put jamais donner à l'étude du piano le temps qu'y consacrent les virtuoses de profession; mais ses mains avaient une adresse naturelle si remarquable, qu'il put briller par son habileté partout où il se fit entendre. Il n'y avait pas de musique de piano si difficile qu'il ne pût exécuter correctement, et les fugues de J.-S. Bach lui étaient si familières, qu'il les jouait toutes dans un mouvement excessivement rapide. Son exécution était expressive et pleine de nuances délicates. Dans un séjour qu'il avait fait à Paris à l'âge de seize ans, il avait reçu de madame Bigot des conseils qui lui furent très utiles pour son talent de pianiste; jusqu'à la fin de sa carrière, il conserva pour la mémoire de cette femme remarquable un sentiment de reconnaissance et d'affection.


  On a vu ci-dessus que l'éducation de Mendelssohn pour la composition fut confiée à Zeller, qui parle de son élève avec un véritable attachement dans ses lettres à Gœthe; le jeune artiste resta longtemps dans son école; trop longtemps peut-être, car la science roide et scolastique du maître me paraît pas avoir laissé à la jeune imagination de l'élève toute la liberté qui lui aurait été nécessaire. En 1821, Zelter fit avec Mendelssohn un voyage à Weimar et le présenta à Gœthe, qui, dit-on, s'émut en écoutant le jeune musicien-né. Déjà il jouait en maître les pièces difficiles de Bach et les grandes sonates de Beethoven. Quoiqu'il n'eût point encore atteint sa treizième année, il improvisait, sur un thème donné, de manière à faire naître l'étonnement.

  Avant l'âge de dix-huit ans, il avait écrit ses trois quatuors pour piano, violon, alto et basse; des sonates pour piano seul; sept pièces caractéristiques pour le même instrument; douze Lieder pour voix seule avec piano; douze chants idem, et l'opéra en deux actes, intitulé : les Noces de Gamache, qui fut représenté à Berlin quand l'auteur n'avait que seize ans. S'il y avait peu d'idées nouvelles dans ces premières œuvres, on y remarquait une facture élégante, du goût, et plus de sagesse dans l'ordonnance des morceaux qu'on n'eût pu l'attendre d'un artiste si jeune. Plus heureux que d'autres enfants prodiges, à cause de la position de fortune de ses parents, il ne voyait pas son talent exploité par la spéculation, et toute liberté lui était laissée pour le développement de ses facultés. Le succès des Noces de Gamache n'ayant pas répondu aux espérances des amis de Mendelssohn, il retira son ouvrage de la scène, mais la partition, réduite pour le piano, fut publiée.

  En 1829, Mendelssohn partit de Berlin pour voyager en France, en Angleterre et en Italie. Je le trouvai à Londres au printemps de cette année, et j'entendis, au concert de la Société philharmonique, sa première symphonie (en ut mineur). Il était alors âgé de vingt ans. Son extérieur agréable, la culture de son esprit, et l'indépendance de sa position le firent accueillir avec distinction, et commencèrent ses succès, dont l'éclat s'augmenta à chaque voyage qu'il fit en Angleterre. Après la saison, il parcourut l'Ecosse. Les impressions qu'il éprouva dans cette contrée pittoresque lui inspirèrent son ouverture de concert connue sous le titre de Fingalhæhle (la Grotte de Fingal). De retour sur le continent, il se rendit en Italie par Munich, Salzbourg, Linz et Vienne, en compagnie de Hildebrand, de Hubner et de Bendemann, peintres de l'école de Dusseldorf.  Arrivé à Rome, le 2 novembre 1830, il y trouva Berlioz, avec qui il se lia d'amitié. Après cinq mois de séjour dans la ville éternelle, qui ne furent pas perdus pour ses travaux, il partit pour Naples, où il arriva le 10 avril 1831. Il y passa environ deux mois, moins occupé de la musique italienne que de la beauté du ciel et des sites qui exercèrent une heureuse influence sur son imagination; puis il revint par Rome, Florence, Gênes, Milan, parcourut la Suisse, et revit Munich au mois d'octobre de la même année.

  Arrivé à Paris vers le milieu de décembre, il y resta jusqu'à la fin de mars 1832. On voit dans ses lettres de voyage (1) qu'il n'était plus alors le jeune homme modeste et candide de 1829. Il se fait le centre de la localité où il se trouve et se pose en critique peu bienveillant de tout ce qui l'entoure. Parlant d'une des soirées de musique de chambre données par Balliot, à laquelle il assista, et dans laquelle ce grand artiste avait exécuté le quatuor de Mendelssohn en mi (bémol) majeur, il dit: Au commencement on joua un quintette de Boccherini, une perruque (Den Anfang machte ein Quintett von Boccherini, eine Perrücke)! Il ne comprend pas que sous cette perruque il y a plus d'idées originales et de véritable inspiration qu'il n'en a mis dans la plupart de ses ouvrages. Mécontent, sans doute, de n'avoir pas produit à Paris, par ses compositions, l'impression qu'il avait espérée, il s'écrie (2), en quittant cette ville : Paris est le tombeau de foutes les réputations (Paris sci das Grab aller Reputationen). Le souvenir qu'il en avait conservé fut, sans aucun doute, la cause qui lui fit prendre la résolution de ne retourner jamais dans cette grande ville, tandis qu'il fit sept longs séjours en Angleterre, pendant les quinze dernières années de sa vie, parce qu'il y était accueilli avec enthousiasme. En toute occasion, il ne parlait de la France et de ses habitants qu'avec amertume, et affectait un ton de mépris pour le goût de ceux-ci en musique.


(1) Reisebriefe von Felix Mendelssohn-Bartholdy, aus den Jahres 1830 bis 1834. Leipsick, Hermann Mendelssohn, 1861, 1 vol. in-8.

(2) Lettre du 31 mars 1839, ibid., 398.



  Un des amis de Mendelssohn ayant été nommé membre du comité organisateur de la fête musicale de Dusseldorf, en 1833, le fit choisir pour la diriger, quoiqu'il n'eût pas encore de réputation comme chef d'orchestre; mais le talent dont il fit preuve en celle circonstance fut si remarquable, que la place de directeur de musique de cette ville lui fut offerte : il ne l'accepta que pour le terme de trois années, se réservant d'ailleurs le droit de l'abandonner avant la fin, si des circonstances imprévues lui faisaient désirer sa retraite. Ses fonctions consistaient à diriger la Société de chant, l'orchestre des concerts et la musique dans les églises catholiques, nonobstant son origine judaïque. C'est de cette époque que date la liaison de Mendelssohn avec le poète Immermann, beaucoup plus âgé que lui. Des relations de ces deux hommes si distingués résulta le projet d'écrire un opéra d'après la Tempête de Shakespeare. Les idées poétiques ne manquaient pas dans le travail d'Immermann; mais ce littérateur n'avait aucune notion des conditions d'un livret d'opéra: son ouvrage fut entièrement manqué sous ce rapport. Mendelssohn jugea qu'il était impossible de le rendre musical, et le projet fut abandonné. Cependant le désir de donner au théâtre de Dusseldorf une meilleure organisation détermina les deux artistes à former une association par actions; les actionnaires nommèrent un comité directeur, qui donna au poète Immermann l'intendance pour le drame, et à Mendelssohn pour l'opéra. On monta Don Juan de Mozart, et les Deux Journées de Cherubini; enfin, Immermann arrangea pour la scène allemande un drame de Calderon, pour lequel Mendelssohn composa de la musique qui ne fut pas goûtée et qui n'a pas été connue. De mauvais choix d'acteurs et de chanteurs avaient été faits, car ces deux hommes, dont le mérite, chacun en son genre, ne pouvait être contesté, n'entendaient rien à l'art dramatique. Des critiques désagréables furent faites; Mendelssohn, dont l'amour propre c'était pas endurant, sentit qu'il n'était pas à sa place, et donna sa démission de la place de directeur de musique, au mois de juillet 1835. 

  Je l'avais retrouvé, en 1834, à Aix-la-Chapelle, où il s'était rendu à l'occasion des fêtes musicales de la Pentecôte. Une sorte de rivalité s'était établie entre lui et Ries, parce qu'ils devaient diriger alternativement ces fêtes des villes rhénanes. Malheureusement, il n'y avait pas dans cette rivalité les égards que se doivent des artistes distingués. Mendelssohn parlait de la direction de son émule en termes peu polis qui furent rapportés à celui-ci. Ries me parla alors des chagrins que lui causait le langage inconvenant de son jeune rival.

  Mendelssohn avait écrit à Dusseldorf la plus grande partie de son Paulus, oratorio: il l'acheva, en 1836, à Leipsick, où il s'était retiré, après avoir abandonné sa position. Ayant été nommé directeur des concerts de la Halle-aux-Draps (Gewandhaus), dans la même ville, il prit possession de cet emploi le 4 octobre, et fut accueilli, à son entrée dans l'orchestre, par les acclamations de la foule qui remplissait la salle. Dès lors, la musique prit un nouvel essor à Leipsick, et l'heureuse influence de Mendelssohn s'y fit sentir non seulement dans les concerts, mais dans les Sociétés de chant et dans la musique de chambre. Lui-même se faisait souvent entendre comme virtuose sur le piano. Par reconnaissance pour la situation florissante où l'art était parvenu, grâce à ses soins dans cette ville importante de la Saxe, l'université lui conféra le grade de docteur en philosophie et beaux-arts, en 1836, et le roi de Saxe le nomma son maître de chapelle honoraire. En 1837, Mendelssohn épousa la fille d'un pasteur réformé de Francfort-sur-le- Mein, femme aimable dont la bonté, l'esprit et la grâce firent le bonheur de sa vie.

  Appelé à Berlin en qualité de directeur général de la musique du roi de Prusse, il alla s'y établir et y écrivit pour le service de la cour la musique intercalée dans les tragédies antiques l'Antigone, l'Œdipe roi, ainsi que dans Athalie. Ce fut aussi à Berlin qu'il composa les morceaux introduits dans le Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, dont il avait écrit l'ouverture environ dix ans auparavant. Cependant les honneurs et la faveur dont il jouissait près du roi ne purent le décider à se fixer dans la capitale de la Prusse, parce qu'il n'y trouvait pas la sympathie qu'avaient pour lui les habitants de Leipsick. Berlin a toujours, en effet, montré peu de goût pour la musique de Mendelssohn. Nul doute que ce fut ce motif qui le décida à retourner à Leipsick, où, à l'exception de quelques voyages à Londres ou dans les villes des provinces rhénanes, il se fixa pour le reste de ses jours. Les époques de ses séjours en Angleterre furent 1832, 1833, 1840, 1842, 1844, 1846, où il fit entendre pour la première fois son Elie, au festival de Birmingham, et, enfin, au mois d'avril 1847. 

  Cette fois, il ne resta à Londres que peu de jours, car il était de retour à Leipsick à la fin du même mois. Il avalt formé le projet de passer l'été à Vevay; mals au moment où il venait d'arriver à Francfort, pour y retrouver sa femme et ses enfants, il reçut la nouvelle de la mort de madame Hansel, sa sœur bien-aimée. Cette perte cruelle le frappa d'une vive douleur. Madame Mendelssohn, dans l'espoir de le distraire par les souvenirs de sa jeunesse, l'engagea à parcourir la Suisse : il s'y laissa conduire et s'arrêta d'abord à Baden, puis à Laufen, et, enfin, à Interlaken, où il resta jusqu'au commencement de septembre. Peu de jours avant son départ, il improvisa sur l'orgue d'une petite église de village, sur les bords du lac de Brienz: ce fut la dernière fois qu'il se fit entendre sur un instrument de cette espèce. Peu d'amis se trouvaient réunis dans l'église : tous furent frappés de l'élévation de ses idées, qui semblaient lui dicter un chant de mort. Il avait eu le dessein d'aller à Fribourg pour connaître l'orgue construit par Moser: mais le mauvais temps l'en empêcha. L'hiver arrive, dit-il à ses amis; il est temps de retourner à nos foyers.

  Arrivé à Leipsick, il y reprit ses occupations ordinaires. Bien que l'aménité de son caractère de se démentit pas avec sa famille et ses amis, on apercevait en lui un penchant à la mélancolie qu'on ne lui connaissait pas autrefois. Le 9 octobre, il accompagnait quelques morceaux de son Elie chez un ami, lorsque le sang se porta tout à coup avec violence à sa tête et lui fit perdre connaissance; on fut obligé de la transporter chez lui. Le médecin, qu'on s'était empressé d'aller chercher, n'hésita pas à faire usage des moyens les plus énergiques dont l'heureux effet fut immédiat. Rétabli dans un état de santé satisfaisant, du moins en apparence, vers la fin du mois, Mendelssohn reprit ses promenades habituelles, soit à pied, soit à cheval; il espérait même dire bientôt assez fort pour se rendre à Vienne, pour y diriger l'exécution de son dernier oratorio et il s'en réjouissait; mais le 28 du même mois, après avoir fait une promenade avec sa femme et dîné de bon appétit, il subit une seconde attaque de son mal, et le médecin déclara qu'il était frappé d'une apoplexie nerveuse et que le danger était imminent. Les soins qui lui furent prodigués lui rendirent la connaissance. Il eut des moments de calme et dormit d'un sommeil tranquille; mais, le 3 novembre, l'attaque d'apoplexie se renouvela, et dès ce moment il ne reconnut plus personne. Entouré de sa famille et de ses amis, il expira le lendemain, 4 novembre 1847, à 9 heures du soir, avant d'avoir accompli sa trente-neuvième année. On lui fit des obsèques somptueuses, auxquelles prit part toute la population de Leipsick, en témoignage du sentiment douloureux inspiré par la mort prématurée d'un artiste si remarquable. L'Allemagne tout entière fut émue de ce triste événement.


  Si Mendelssohn ne posséda pas un de ces génies puissants, originaux, tels qu'en vit le dix-huitième siècle; s'il ne s'éleva pas à la hauteur d'un Jean-Sébastien Bach, d'un Hændel, d'un Gluck, d'un Haydn, d'un Mozart, d'un Beethoven; enfin, si l'on ne peut le placer au rang de ces esprits créateurs, dans les diverses déterminations de l'art, il est hors de doute qu'il tient, dans l'histoire de cet art, une place considérable immédiatement après eux, et personne ne lui refusera jamais la qualification de grand musicien. Il a un style à lui et des formes dans lesquelles se fait reconnaître sa personnalité. Le scherzo élégant et coquet, à deux temps, de ses compositions instrumentales, est de son invention. Il a de la mélodie; son harmonie est correcte et son instrumentation colore bien ses idées, sans tomber dans l'exagération des moyens. Dans ses oratorios, il a fait une heureuse alliance de la gravité des anciens maîtres avec les ressources de l'art moderne. Si son inspiration n'a pas le caractère de grandeur par lequel les géants de la pensée musicale frappent tout un auditoire, il intéresse par l'art des dispositions, par le goût et par une multitude des détails qui décèrent un sentiment fin et délicat. Malheureusement il était préoccupé d’une crainte qui doit avoir été un obstacle à la spontanéité de ses idées ; cette crainte était de tomber dans certaines formes habituelles par lesquelles les compositeurs les plus originaux laissent reposer de temps en temps l'attention : il la portait jusqu'à l'excès. Dans la plupart de ses compositions, on sent qu'elle lui fait éviter avec soin les cadences de terminaison, et faire un constant usage de l'artifice de l'inganno, appelé communément cadence rompue; aux conclusions de phrases, qui sont de nécessité absolue pour la clarté de la pensée, il substitue avec une sorte d'obstination ce même artifice, et multiplie, par une conséquence inévitable, les modulations incidentes. De là un enchevêtrement incessant de phrases accessoires et surabondantes, dont l'effet est de faire perdre la trace de la pensée première, de tomber dans le vague, et de faire naître la fatigue. Ce défaut, remarquable surtout dans les œuvres instrumentales de Mendelssohn, est un des traits caractéristiques de sa manière. Il y a de belles pages dans un grand nombre de ses compositions, mais il est peu de celles-ci où l'intérêt ne languisse en de certaines parties, par l'absence d'un rythme périodique bien senti.


  Parmi les œuvres de musique vocale de Mendelssohn, ses oratorios Paulus et Elia ne sont pas seulement les plus importantes par leurs développements; elles sont aussi les plus belles. Ses psaumes 42e, 65e, 98e et 114e, avec orchestre, renferment de belles choses, principalement au point de vue de la facture, II a fait aussi des chœurs d'église avec orchestre, qui sont d'un beau caractère, ainsi que d'autres psaumes sans instruments, composés pour le Dom-Chor de Berlin; enfin, on a de lui des motets pour une, deux ou quatre voix avec orgue. Sa grande cantate de Walpurgischenacht a de la réputation en Allemagne; elle y a été exécutée dans plusieurs grandes fêtes musicales. Pour moi, après l'avoir entendue deux fois, j'en ai trouvé le style lourd. Mendelssohn avait écrit cet ouvrage à Rome, dans le mois de décembre 1830, à l'âge d'environ vingt-deux ans, mais il le changea presque entièrement quatre ou cinq ans avant sa mort. C'est sous sa dernière forme qu'il est maintenant connu. À l'égard de la musique de l'Antigone et de l'Œdipe à Colons, de Sophocle, ainsi que de l'Athalie de Racine, écrits à la demande du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume IV, on ne les a publiés qu'en partition pour le piano. Ces ouvrages sont peu connus; cependant l'Œdipe a été essayé au théâtre de l'Odéon, à Paris, mais sans succès. Ainsi qu'il a été dit dans celte notice, le génie de Mendelssohn n'était pas essentiellement dramatique; il avait lui-même conscience de ce qui lui manquait pour l'intérêt de la scène, car son goût ne se portait pas vers ce genre de composition. On sait que les Noces de Gamache, ouvrage de sa première jeunesse, n'ont pas réussi. Après cet essai, la plus grande partie de sa carrière d'artiste s'écoula sans qu'il produisit rien pour le théâtre. Il écrivit pour sa famille une sorte d'intermède, intitulé : Die Heimkehr aus der Fremde (le Retour de voyage à l'étranger); il ne le destinait pas à la publicité et l'avait gardé dans son portefeuille; mais ses héritiers l'ont fait graver au nombre de ses œuvres posthumes. On y trouve quatorze morceaux écrits d'un style gracieux et léger, dont une romance, six Lieder pour différentes voix, un duo pour soprano et contralto, deux trios, un chœur et un finale. Cette composition, à laquelle Mendelssohn ne paraît pas avoir attaché d'importance, est néanmoins une de ses meilleures productions, au point de vue de l'inspiration originale, Il est un autre ouvrage mélodramatique de cet artiste qui a droit aux éloges, non-seulement des connaisseurs, mais du public, et qui fut écrit dans le même temps que celui qui vient d'être mentionné : Je veux parler de la musique composée pour la traduction allemande du drame si original de Shakespeare, le Songe d'une Nuit d'été (Ein Sommernachtstraum). L'ouverture inspirée par ce sujet était écrite dès 1820; mais le reste de la partition ne fut composé que longtemps après, pendant le séjour de Mendelssohn à Berlin, comme directeur général de la chapelle du roi de Prusse. Tout est bien dans cet ouvrage : les pièces instrumentales des entr'actes, la partie mélodramatique des scènes, la chanson avec le chœur de femmes, la marche; tout est plein de verve, de fantaisie et d'élégance,

  Mendelssohn a peu réussi dans la symphonie, une seule exceptée. La première (en ut mineur) n'est que le travail d'un jeune homme en qui l'on aperçoit de l'avenir. Le Chant de louange (Lobgesang), ou Symphonic cantate (op.62), comptée par le compositeur comme sa seconde symphonie, n'est pas une heureuse conception : on y sent plus le travail que l'inspiration. Les essais qu'on en a faits à Paris et ailleurs n'ont pas été satisfaisants. La troisième symphonie (en la mineur) est la meilleure production de l'artiste en ce genre. Le premier morceau est d'un bon sentiment; il est écrit avec le talent connu du maître. Le vivace, ou scherzo, à deux temps, est une de ces heureuses fantaisies dans lesquelles sa personnalité se manifeste quelquefois. Dans l'adagio, la pensée est vague, diffuse, et l'effet en est languissant. Le mouvement final a de la verve; il est traité de main de maître; mais la malheureuse idée qu'a eue Mendelssohn de terminer cette partie de son ouvrage par un thème anglais qui ne se rattache en rien au reste de l'œuvre, lui enlève la plus grande partie de son effet. La quatrième symphonie (en la majeur), œuvre posthume, ne fait apercevoir dans aucun de ses morceaux le jet de l'inspiration. Cette symphonie n'a eu de succès ni en Allemagne, ni à Paris, ni à Bruxelles.

  Dans le concerto, sorte de symphonie avec un instrument principal, Mendelssohn a été plus heureux ; son concerto de violon, particulièrement, et son premier concerto de piano (en sol mineur), ont obtenu partout un succès mérité et sont devenus classiques. Le second concerto de piano (en ré mineur), dont le caractère général n'est pas exempt de monotonie, a été beaucoup moins joué que le premier. Parmi ses œuvres les plus intéressantes de ce genre, il faut citer sa Sérénade et Allegro giocoso pour piano et orchestre, composition dont l'inspiration se fait remarquer par l'élégance, la délicatesse et par les détails charmants de l'instrumentation. Il ne faut pas plus chercher dans ces ouvrages que dans les autres productions de cet artiste ces puissantes conceptions, ni cette originalité de pensée qui nous frappent dans les concertos de quelques grands maîtres, de Beethoven en particulier; mais après ces beaux modèles, Mendelssohn tient une place honorable.

  Les ouvertures de ce maître ont été beaucoup jouées en Allemagne et en Angleterre ; mais elles ont moins réussi en France et en Belgique. Elles sont au nombre de cinq, dont les titres sont : le Songe d'une Nuit d'été, qui est incontestablement la meilleure; la Grotte de Fingal (ou les Hébrides), en si mineur, bien écrite et bien instrumentée, mais monotone et languissaple; la Mer calme et l'Heureux retour (Meeresstille und glückIiche Fahrt), en ré majeur; la Belle Melusins, en fa majeur, et Ruy Blas. Il y a de l'originalité dans ces compositions, mais on sent, à l'audition comme à la lecture, qu'elle est le fruit de la recherche; la spontanéité y manque.


  La musique de chambre est la partie la plus riche du domaine instrumental de Mendelssohn; la plupart de ses compositions en ce genre, soit pour les instruments à archet, soit pour le piano accompagné, ou seul, ont de l'intérêt. La distinction de son caractère s'y fait reconnaître. Il y est plus à l'aise que dans la symphonie, et, pour qui sait comprendre, il est évident qu'il y porte plus de confiance dans la suffisance de ses forces. Un ottetto pour quatre violons, deux altos et deux violoncelles; deux quintettes pour deux violons, deux altos et violoncelle, et sept quatuors (œuvres 12, 13, 44, 80 et 81) composent son répertoire dans cette catégorie de musique instrumentale. L'ottetto, qui est une des productions de sa jeunesse, était une de celles qu'il estimait le plus dans son œuvre; il s'y trouve des choses intéressantes ; mais le talent s'y montre inégal. Son second quintette (en si bémol, œuvre posthume), et les trois quatuors de l'œuvre 44 sont, à mon avis, les plus complets et ceux où l'inspiration se soutient sans effort. Dans la musique pour piano accompagné, on trouve d'abord trois quatuors pour cet instrument, violon, alto et violoncelle (op.1, en ut migeur; op.2, en fa mineur; op.3, en si mineur). Si l'on songe à la grande jeunesse de l'artiste au moment où il écrivit ces ouvrages, on ne peut se soustraire à l'étonnement qu'un pareil de but n'ait pas conduit à des résultats plus beaux encore que ceux où son talent était parvenu à la un de sa carrière. De ses deux grands trios pour piano, violon et violoncelle, le premier, en ré mineur, op.49, a eu peu de succès; son caractère est monotone; les mêmes phrases s'y reproduisent fréquemment sans être relevées par des traits inattendus; enfin, ce n'est qu'un ouvrage bien écrit; le second, en ut mineur, op.66, est beaucoup mieux réussi; on y trouve de la verve et de l'originalité. On ne connaît de Mendelssohn qu'une sonate pour piano et violon (en fa mineur, op.4); ce n'est pas un de ses meilleurs ouvrages; mais ses deux sonates pour piano et violoncelle renferment de belles choses.

  Je me suis souvent demandé pourquoi, avec un talent si distingué, Mendelssohn n'a pu éviter une teinte d'uniformité dans l'effet de sa musique instrumentale; en y songeant, j'ai cru pouvoir attribuer cette impression au penchant trop persistant du compositeur pour le mode mineur. En effet, sa première symphonie est en ut mineur; la troisième, en la mineur; l'ouverture intitulée : la Grotte de Fingal est en si mineur; le premier morceau du concerto de violon est en mi mineur; le premier concerto de piano est en sol mineur; le second, en ré mineur; la sérénade pour piano et orchestre est en si mineur; le premier quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle est en ut mineur, le second en fa mineur, le troisième on si mineur; la sonate pour piano et violon est en fa mineur; le premier trio pour piano, violon et violoncelle est en ré mineur; le second, en ut mineur. Son deuxième quatuor est en la mineur; le quatrième, en mi mineur, et le sixième, en fa mineur. Sur quatre caprices qu'il a écrits pour piano seul, trois sont en modes mineurs; sa grande étude suivie d'un scherzo pour le même instrument est en fa mineur; deux de ses fantaisies sont également en mode mineur; son premier scherzo est en si mineur; le second, en fa dièse mineur; enfin, de ses Lieder sans paroles, seize sont en mineur. Si l'on voulait faire une récapitulation semblable dans la musique de chant de Mendelssohn, on constaterait la même tendance. Je viens de parler de ses Lieder sans paroles; il est créateur dans ce genre de petites pièces instrumentales, dont il a publié sept recueils; celui qui porte le numéro d'œuvre 38 me paraît supérieur aux autres. J'en ai donné l'analyse dans le quatorzième volume de la Bibliothèque classique des pianistes (Paris, Schonenberger).

  Les chants à voix seule avec piano, de Mendelssohn, et ses Lieder à deux, trois et quatre voix, ont de la distinction, quelquefois même de la franche originalité, cependant son imagination ne s'élève jamais dans ce genre à la hauteur de François Schubert. Comme tous les compositeurs allemands du dix-neuvième siècle, Mendelssohn a écrit un grand nombre de ces chants, soit pour les quatre genres de voix de femmes et d'hommes, soit pour quatre voix d'hommes sans accompagnement.


  Le catalogue systématique des œuvres de ce compositeur est formé de la manière suivante : 

A. MUSIQUE POUR ORCHESTRE:

1° Symphonie en ut mineur, op.11; Berlin, Schlesinger. 

2° Symphonie cantate (Lobgesang), op.82; Leipsick, Breitkopt et Haertel. 

3° Troisième symphonie en la mineur, op.60; ibid. 

4° Quatrième symphonie en la majeur, op.90; ibid. 

5° Ouverture du Songe d'une Nuit d'été (Sommernachtstraum), op.21; ibid. 

6° Idem de la Grotte de Fingal (les Hebrides), op.20; ibid. 

7° La Mer calme et l'Heureux retour (Meeresstille und glückliche Fahrt), op.27; ibid. 

8° La Belle Mélusine (idem), op.59; ibid. 

9° Idem de Ruy Blas, op.95; Leipsick, Kistner. 

10° Concerto pour violon et orchestre en mi mineur et majeur, op.94; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

11° Premier concerto pour piano et orchestre (en sol mineur), op.25; ibid. 

12° Deuxième concerto idem (en ré mineur), op.40; ibid. 

13° Capriccio brillant pour piano et orchestre (en ut mineur), op.22; ibid. 14° Rondeau brillant idem (en mi bémol), op.20; ibid. 

15° Sérénade et allegro giocoso idem en si mineur et en ré, op.43; Bonn, Simrock. 

16° Ouverture pour des instruments à vent (en ut), op.94, ibid. 


B. MUSIQUE DE CHAMBRE : 

a. Pour instruments d’archet : 

17° Ottetto pour quatre violons, deux altos et deux violoncelles, op.20; Leipsick, Breitkopf et Hærlel. 

18° Premier quintette (en la majeur), pour deux violons, deux altos et violoncelle, op.18; Bonn, Simrock. 

19° Second quintelte idem (en si bémol), op.87; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

20° Premier quatuor pour deux violons, alto et basse (en mi bémol), op. 12; Leipsick, Hofmeister. 

21° Deuxieme idem (en la), op.18; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

22° Trois quatuors idem (en ré, en mi mineur et en mi bémol), op.44; ibid. 

23° Sixième quatuor idem (en fa mineur), op.80; ibid., 

24° Septième idem, Andante, Scherzo, Capriccio et Fugue, op.81; ibid. 


b. Pour piano accompagne : 

25° Premier quatuor pour piano, violon, alto et violoncelle (en ut mineur), op.1; Berlin, Schlesinger. 

26°. Deuxième idem (en fa mineur), op.2; ibid. 

27° Troisième idem (en si mineur), op.3; Leipsick, Hofmeister. 

28° Premier grand trio pour piano, violon et violoncelle (en ré mineur), op.49; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

29° Deuxième idem (en ut mineur), op.66; ibid. 

30° Sonate pour piano et violon (en fa mineur), op.4; Leipsick, Hofmeister. 

31° Première sonate pour piano et violoncelle (en si bémol), op.45; Leipsick, Kistner.

32° Deuxième idem (en ré majeur), op.58; ibid. 

33° Variations concertantes pour piano et violoncelle (en ré majeur), op. 17; Vienne, Mechelli.


c. Pour piano à quatre mains: 

34° Andanis et variations (en si bémol), op.83; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

35° Allegro brillant (en la majeur), op.92; ibid. 


d. Pour piano seul: 

36° Andante cantabile et Presto agitato en si mineur); ibid. 

37° Capriccio (en fa diese mineur), op.5; Berlin, Schlesinger.' 

38° Trois caprices, op.16; Vienne, Mechelli. 

39° Fantaisie (en fa dièse mineur), op.28; Bonn, Simrock. 

40° Pièces caractéristiques, op.7; Leipsick, Hofmeister. 

41° Étude et Scherzo (en fa mineur); Berlin, Schlesinger. 

42° Fantaisie (en mi majeur), op.15; Vienne, Mechetti. 

43° Six morceaux d'enfants, op.72; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

44° Sept recueils de romances ou Lieder sans paroles, op.19, 30, 38, 53, 62, 67, 85; Bonn, Simrock. 

45° Six préludes et six fugues, op.5; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

46° Ronde capriccio en mi majeur), op.14; Vienne, Mechetti. 

47° Sonate (en mi majeur), op.6; Leipsick, Hofmeister. 

48° Dix-sept variations sérieuses, op.54; Vienne, Mechetti. 

49° Variations sur des thèmes originaux, op.82 et 83; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 


C. MUSIQUE POUR ORGUE: 

50° Trois préludes et fugues, op.57; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

51° Six sonates, op.63; ibid. 


D. ORATORIOS, CANTATES, PSAUMES, etc. : 

52° Paulus, oratorio, op.30; Bonn, Simrock. 

53° Elie (Elias), idem, op.70; ibid. 

54° Le Christ, oratorio non achevé, fragments,op.97; Leipsick, Breitkopf et Hærtel.

55° Musique pour l'Antigone de Sophocle, op.55; Leipsick, Kistner. 

56° Musique pour l'Athalie de Racine, op.74; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

57° Musique pour l'Œdipe à Colone de Sophocle, op,93; ibid. 

58° Musique pour le Songe d'une Nuit d'été de Shakespeare, op.61; ibid. 

59° Lauda Sion, hymne pour chœur et orchestre, op.75; Mayence, Schott. 

60° La première nuit de Sainte-Walpurge (Die erste Walpurgisnacht), ballade, op. 60; Leipsick, Kistner. 

61° Chant de fêtes. Aux artistes, d'après le poème de Schiller, pour chœur d'hommes et instruments de cuivre, op.68; Bonn, Simrock. 

62° Chant pour la quatrième fête séculaire de l'invention de l'imprimerie, pour chœur et orchestre ; ibid. 

63° Hymne pour contralto, chœur et orchestre, paroles anglaises et allemandes, op.90; Bonn, Simrock. 

64° Hymne pour soprano, chœur et orgue; Berlin, Bote et Bock. 

65. Trois chœurs d'église avec solos et orgue, op.28; Bonn, Simrock. 66° Trois cantiques pour contralto, chœur et orgue; ibid. 

67° Trois motets pour des voix de soprano et contralto et orgue, op.30; ibid. 

68° Trois motets en chœur avec des solos pour le Dom-Chor de Berlin, op.78; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

69° Psaume 113 pour chœur, solo et orchestre, op.51; Bonn, Simrock. 70° Psaume 42 pour chœur et orchestre, op.49; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

71° Psaume 95 idem, op.40; Leipsick, Kistner. 

72° Psaume 114 pour chœur à huit voix et orchestre. op.51; ibid. 

73° Trois psaumes pour voix solos et chœur, op.78; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

74° Psaume 98 pour un chœur à huit voix et orchestre, op.91; Leipsick, Kistner. 


E. OPÉRAS : 

75° Les Noces de Gamache, opéra comique en deux actes, op.10; partition pour piano; Leipsick, Hofmeister. 

76° Le Retour de voyage à l'étranger (Heimkehr aus dem Fremde), opéra de salon en un acte, op.89; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

77° Loreley, opéra non terminé, op.98; ibid. Le finale du premier acte seuil a été publié en partition pour le piano. 

78° Air pour voix de soprano et orchestre, op.94; ibid. 


F. CHANTS À PLUSIEURS VOIX : 

a. Chants pour soprano, alto, ténor et basse, op. 41, 48, 59, 88 et 100; Leipsick, Breitkopf et Hærtel. 

b. Chants à quatre voix d'hommes, op. 50, 75, 76; Leipsick, Kistner. 

c. Chants à deux voix, op.63, 77 ; ibid. 


G. CHANTS À VOIX SEULE AVEC PIANO 

Recueils de Lieder, op. 8, 9, 34, 47, 57, 71, 84, 86, 99; Berlin, Schlesinger; Leipsick, Breitkopt et Hærtel. Il existe aussi un certain nombre de compositions de Mendelssohn, sans numéros d'œuvres.




Extrait de Tome VI; P.77-84 de la « Biographie Universelle des Musiciens »  par François-Joseph Fétis, 1860-1866 @BnF Gallica.



Nowakowski (Józef)