( le 15 février 1789 - le 24 mai 1826 )
Dans sa neuvième année il reçut les premières leçons de violon de Lohse, premier violoniste du théâtre de Magdebourg, musicien instruit et bon professeur. Fesca fit de rapides progrès sur cet instrument ; mais déjà son goût se formait et les œuvres des grands maîtres seuls pouvaient le satisfaire. A cette époque, les compositions de Pleyel étaient en vogue mais le jeune artiste ne montrait de penchant que pour les quatuors et quintettes de Haydn et de Mozart. Il était dans sa onzième année lors que la sœur de sa mère étant venue à Magdebourg, et y ayant donné un concert, il y joua, sur l'invitation de plusieurs amateurs, pour la première fois en public, un concerto de violon. Le succès qu'il obtint l'aiguillonna à faire de nouveaux efforts, et les concerts d'abonnement de la loge des Francs-maçons lui fournirent l'occasion de développer ses facultés. Il se vouait avec non moins d'ardeur à l'étude de la partie didactique de l'art.
Les premières leçons d'harmonie lui furent données par Zaccharia, alors directeur de musique de l'école de la partie de Magdebourg appelée Altstadt. Plus tard, il mit à profit l'offre que lui fit Pitterlin, homme d'esprit et de talent, directeur de musique au théâtre de Magdebourg, de l'instruire dans le contrepoint et dans le mécanisme de l'art d'écrire. Il dut à cet artiste recommandable tout ce qu'il sut par la suite, ainsi que les qualités qu'on remarque dans son harmonie. Malheureusement Pitterlin mourut en 1804, sincèrement regretté par son élève, à qui sa mémoire est toujours restée chère.
La perte d'un tel maître étant irréparable à Magdebourg, Fesca, alors âgé de treize ans, rendit au mois de juin de l'année suivante à Leipsick, pour y continuer ses études sous la direction d'Auguste Eberhardt Müller, cantor et directeur de musique généralement estimé, qui mourut plus tard à Weimar dans la position de maître de chapelle. Le jeune artiste s'appliqua particulièrement, sous la direction de ce maître, à l'étude des anciennes compositions religieuses. Müller le guida aussi dans les premiers ouvrages qu'il écrivit, particulièrement dans un concerto de violon, en mi mineur, que Fesca exécuta en 1805, avec un brillant succès devant un nombreux auditoire. Mauhæi, directeur de concerts à Leipsick, artiste distingué, lui avait donné des leçons qui lui avaient été fort utiles pour le fini de son jeu. Depuis ce temps, Fesca n'a plus écrit de concertos, genre de composition qui ne répondait pas aux qualités de son talent.
L'arrivée du duc d'Oldenbourg à Leipsick, au mois de janvier 1800, fut cause que Fesca quitta promptement cette ville. Le duc, qui l'avait entendu dans un concert, se le fit présenter, l'accueillit avec bienveillance, et lui offrit une place dans sa chapelle. Le jeune artiste accepta cette offre avec joie, car il cessait par là d'être à charge à ses parents, qui avaient d'autres enfants. Il lui semblait d'ailleurs que le loisir dont il devait jouir dans la petite cour d’Oldenbourg serait favorable à ses études; mais bientôt il aperçut les inconvénients d'une vie trop calme pour celui dont le talent n'a point encore pris de direction déterminée, et qui a besoin d'une incessante excitation pour se développer.
Une visite qu'il fit à Magdebourg pour voir sa mère, alors souffrante, lui fournit l'occasion de prendre une meilleure position. La Chapelle et l'Opéra de Cassel, capitale du nouveau royaume de Westphalie, étaient devenus riches en talents de premier ordre, par l'influence de Reichardt. Les occasions fréquentes d'entendre de bonne musique et de perfectionner son talent, jointes aux avantages attachés à la position des artistes de la chapelle royale, déterminèrent Fesca à y accepter une place qui lui fut offerte, sur la recommandation du duc de Bellune. Ses fonctions y étaient celles de violon solo. C'est à Cassel, où il resta jusqu'à la fin de 1813, qu'il passa les années les plus heureuses de sa vie, quoique de fréquentes atteintes de maladie vinssent déjà le tourmenter, surtout dans les années 1810 et 1811. L'activité qu'il y trouva, et à laquelle il contribua lui-même, le rendait heureux, il y trouvait aussi des éléments de bonheur dans la société intime de plusieurs artistes distingués, et dans la considération qu'on avait pour sa personne et pour ses talents. Déjà il se faisait connaître par ses œuvres de musique instrumentale. Il écrivit à Cassel ses sept premiers quatuors (œuvres 1 et 2, et le quatuor en ré majeur de l’œuvre 5), ainsi que ses deux premières symphonies (en mi bémol et en ré majeur).
Longtemps il avait fait un secret de ses travaux; ses amis même ignoraient l'existence de ses ouvrages, parce qu'il ne voulait point les faire paraître avant qu'il y eût mis la dernière main; leur publication excita autant d'intérêt que d'étonnement. On sait que la partie de premier violon est brillante et travaillée dans ces premiers quatuors; Fesca n'avait alors pour objet que de se fournir des occasions de briller par son talent d'exécution; mais le succès éclatant de ces productions lui fit attacher ensuite plus de prix à ses compositions, et le détermina à modifier le style qu'il avait d'abord adopté. Il donnait à ses ouvrages un charme particulier lorsqu'il les exécutait. Son âme tendre et passionnée s'y montrait tout entière, et tout le monde avouait qu'il en faisait mieux sentir l'originalité qu'aucun autre artiste.
Après la dissolution du royaume de Westphalie, il se rendit à Vienne, au mois de janvier 1814, pour y voir son frère; il y passa quelques mois et y publia les trois premières livraisons de ses quatuors. Sur la proposition du baron de Eude, intendant du théâtre de la cour, à Carlsruhe, Fesca fut nommé premier violon au service du grand duc de Bade, et en 1815, on lui donna le titre de maître des concerts. C'est dans cette position qu'il écrivit, dans l'espace de onze ans, neuf autres quatuors et quatre quintettes pour le violon, ainsi que quatre quatuors et un quintette pour la flûte. Il composa aussi pour l'orchestre et pour le théâtre plusieurs ouvertures et deux opéras, Cantemir et Leila.
On lui doit aussi pour le chant beaucoup de compositions détachées, les chorals à quatre voix, des psaumes et d'autres compositions religieuses. Il écrivit ses psaumes en diverses circonstances importantes de sa vie, et pour épancher devant Dieu ses sentiments intimes; c'est ainsi que le fragment du psaume 15 (œuvre 25) fut composé dans une longue et douloureuse maladie qui ne lui laissait pas d'espoir de guérison, et le psaume 105 (œuvre 26) fut l'expression de reconnaissance que lui inspirait la manière presque miraculeuse dont il avait été sauvé des suites de fréquents accès d'hémorragie qui l'avaient conduit aux portes du tombeau, au printemps de 1821. Sa guérison ne fut pourtant pas aussi complète qu'il l'avait espéré; jamais il ne se remit de cette rude atteinte portée à sa constitution.
D'ailleurs, il avait peu de confiance dans les secours de la médecine, et jamais on ne put le décider à se soumettre à un régime avec quelque persévérance. Bientôt la maladie de poitrine dont il était atteint devint incurable et le fit tomber dans une mélancolie habituelle dont rien ne pouvait le distraire. Il ne voulut plus voir qu'un petit nombre d'amis qui lui étaient particulièrement chers, et qui, seuls, réussissaient quelquefois à l'arracher à ses tristes pensées, et à ranimer en lui quelque espérance de vie. Dans son état d'abattement, son imagination resta libre et active; on a même cru remarquer que ses dernières productions sont celles où il y a le plus de verve.
L'usage des eaux d'Ems, pendant l'été de 1825, parut lui faire du bien et ranima si bien ses forces qu'il écrivit encore une ouverture pour l'orchestre, et son dernier quatuor de flûte. Mais c'était la dernière lueur d'une flamme près de s'éteindre. L’oppression et la toux s'augmentèrent jusqu'à lui faire désirer la mort : ce souhait fut accompli le 24 mai 1826, à huit heures du soir. Sa femme et ses amis l'entourèrent des plus tendres soins jusqu'au dernier moment. Je n'y vois plus ! furent ses dernières paroles; il se fit mettre sur son séant, rassembla ses forces, éleva ses mains jointes en priant, et rendit le dernier soupir, sans qu'on pût remarquer la moindre altération sur ses traits. Sa figure, qui était belle, prit en cet instant un éclat extraordinaire qui fit sur tous les assistants une profonde impression. L'autopsie flt voir un tel état de consomption, qu'on put comprendre à peine que Fesca eût vécu si longtemps. Ses amis voulurent lui donner un dernier témoignage d'affection, en chantant sur sa tombe son chant du De profundis, arrangé à quatre voix par le directeur de musique Strauss.
Un air sérieux, calme et réfléchi, un extérieur modeste, agréable et qui prévenait en sa faveur, beaucoup de sensibilité, de l'enthousiasme, et de l'attachement pour ses amis, étaient les qualités qui dominaient en Fesca. Lorsque des atteintes réitérées de maladie eurent attaqué sa constitution délicate, et que des peines domestiques eurent augmenté ses souffrances, il se manifesta en lui une disposition mélancolique, et une sensibilité nerveuse trop irritable; cependant il n'en fit presque jamais souffrir ceux qui l'entouraient; il renfermait ses maux en Iui-même. Dans l'intimité, il montrait souvent la gaieté d'un enfant, pourvu que ses souffrances lui donnassent quelque repos. Comme homme et comme artiste, il était sensible au succès; mais il n'y fit jamais le sacrifice de ce qu'il considérait comme le beau et le bon. Il tendit toujours vers ce but, tel qu'il le concevait, avec une infatigable continuité d'efforts.
Il y a diversité l'opinion à l'égard du mérite de Fesca comme compositeur : quelques enthousiastes ont mis à trop haut prix ses ouvrages en les considérant comme les produits d'un génie original; mais d'autres les ont déprécies au-dessous de leur valeur, en refusant absolument à leur auteur cette faculté de création. II y a souvent une sensibilité expansive dans ses mélodies, et du piquant dans les effets qu'il combinait ; mais le caractère de ses idées manque en général de profondeur, et ses plans ne sont point vastes. On ne trouve dans ses quatuors et dans ses quintettes ni l'admirable lucidité de pensée, ni la richesse des développements de Haydn, ni le caractère passionné de Mozart, ni la hardiesse de conception qui captive dans les œuvres de Beethoven ; mais il a une manière à lui, une élégante recherche dans les détails, quelque chose de gracieux et de séduisant qui lui fait occuper une place honorable après ces grands artistes. Ses symphonies sont faibles et manquent de variété dans les effets d'instrumentation. Parmi ses productions de musique religieuse, il se trouve des ouvrages d'un mérite distingué. Fesca se rapproche dans sa manière de l'école de Spohr par l'abondance des modulations.
On a de ce compositeur :
1° Trois quatuors pour 2 violons, alto et basse, op.1, Vienne, Mechetti.
2° Trois quatuors idem, op.2, ibid.
3° Trois idem, op.3, ibid.
4° Un grand quatuor en mi bémol, op.4, Vienne, Steiner.
5° Six chansons allemandes avec acc. de piano, op.5, ibid.
6° Première symphonie, en mi majeur, op.6, Vienne, Mechetti.
7° Pot-pourri pour violon (en ut), ibid.
8° Deux quatuors pour deux violons, alto et basse, op.7, Leipsick, Peters.
9° Quintette pour 2 violons, 2 violes et basse, en ré majeur, op.8, ibid.
10° Un idem, en mi majeur, op.9, ibid.
11° Deuxième symphonie, en ré majeur, op.10, ibid.
12° Pot-pourri pour le violon, ib.
13° Quatuor en ré mineur, op.12, Leipsick, Breitkopf et Hærtel.
14° Troisième symphonie en ré majeur, op.15, Leipsick, Hofmeister.
15° Quatuor pour violon, en si bémol, op.14, ibid.
16° Quintette pour violon, en mi majeur, op.15, ibid.
17° Six chansons allemandes avec acc. de piano, op.16, Vienne, Mechetti.
18° Chants à quatre voix, avec acc., op.17, ibid.
19° Cantemir, opéra en deux actes, op.18, partition de piano, Bonn, Simrock.
20° Quintetto pour violon, en si bémol, op.20, Leipsick, Hofmeister.
21° Le psaume 9 avec orchestre, op.21, ibid.
22° Quintette pour la flûte, en ut majeur, op.22, Bonn, Simrock.
23° Pot-pourri pour la violon, en la majeur, op.23. ibid.
24° Six chansons allemanıirs avec acc.de piano, op.24, ibid.
25° Le psaume 13, à Quatre voix, avec acc. de piano, op.25, ibid.
26° Le psaume 105, avec orchestre, op.26, ibid.
27° Cinq chants allemands avec acc. de piano, op.27, ibid.
28° Omar et Leila, opéra romantique en 3 actes, op.28, ibid.
29° Pot-pourri pour le cor, op.29, ibid.
30° Six chansons allemandes avec acc. de piano, op.30, ibid.
31° Chansons de table à quatre voix (2 ténors et 2 basses), op.31. ibid.
32° Cinq chansons allemandes avec acc. de piano, ibid.
33° Air italien avec acc. d'orchestre, ibid.
34° Quatuor pour violon en ut majeur, op.34, ibid.
35° Six chansons de table à quatre voix, op.35, ibid.
36° Quatuor de violon en ut majeur, op.36, ibid.
37° Quatuor pour flûte, en ré majeur, op.37, ibid.
38° Un idem en sol majeur, op.38, ibid.
39° Andante et rondo pour le cor, op.39, ibid.
40° Quatuor pour flûte, en fa majeur, op.40, ibid.
41° Ouverture pour l'orchestre, en ut majeur, op.41, ibid.
42° Quatuor pour flûte, op.42, ibid.
43° Ouverture pour l'orchestre, op.43.
On a publié à Paris une collection complète des quatuors et des quintettes de Fesca.
Extrait de Tome III; P.221-224 de la « Biographie Universelle des Musiciens » par François-Joseph Fétis, 1860-1866 @BnF Gallica.